Balade alpine au cœur du Val Montjoie

Alors que l’été s’est installé dans les Alpes, nous partons cette semaine sur les pentes du Mont-Blanc en Haute-Savoie dans les communes des Contamines-Montjoie et de Saint-Gervais-les-Bains où, entre une rando et un resto, on prendra le temps de se repaître de paysages vertigineux.

A défaut de voie royale, on prend la Romaine pour franchir les 2 329 mètres d’altitude du col du Bonhomme. Simplement nommé GR5 aujourd’hui, ce sentier de haute montagne partage son tracé avec celui du Tour du Mont Blanc. La majestueuse montagne est tout prêt de là mais avant d’en admirer la haute figure, il y a de quoi ici se repaître de grands espaces, de vues à couper le souffle et de marche à pied !

Il faut avoir les mollets solides même si le chemin vers Les Contamines-Montjoie incline sa pente du bon côté. Quelques crapahutages plus loin, on débouche sur les lacs Jovet, tous nichés dans un environnement de sommets au top de la diversité. Sous le Tondu, les pierriers chauffent au soleil tandis que les aiguilles élancées de la Pennaz le visent hardiment. L’arête des Fours présente son meilleur profil de sa crête déchiquetée. Ce décor de haute montagne invite à la pause, les pieds dans l’eau -très- fraîches d’un de ces lacs d’altitude. En reprenant la marche vers Les Contamines-Montjoie, on croise les nouveaux acteurs touristiques locaux : les bergers. L’agriculture est en effet devenue une activité touristique à part entière sur le territoire. Les fermes du village et les agriculteurs qui les animent proposent activités et rencontres. En altitude, les alpages invitent à la rencontre avec le monde du pastoralisme. L’un d’eux a été pris en main par une Contaminarde de souche. Elle y prend soin de près de 400 moutons. Son credo est simple : concilier agriculture de montagne, développement touristique et préservation de l’environnement.

Cette dernière notion prévaut sur les autres puisque toute cette zone appartient à la Réserve Naturelle des Contamines-Montjoie. Seul espace protégé du Massif du Mont-Blanc, la plus haute réserve naturelle de France s’étend sur 5 500 hectares. On y trouve des milieux naturels variés allant des tourbières aux glaciers en passant par les forêts et prairies. Les animaux ne s’y trompent. Ils sont nombreux à venir y vivre. On a recensé plus de 270 espèces animales. L’ensemble de la faune typique des Alpes y est observable. Chamois, bouquetins, chouettes, oiseaux de toutes sortes, chaque balade sur les 150 kilomètres de sentiers qui sillonnent la réserve, réserve son lot de rencontres. Les plus chanceux peuvent notamment observer la chouette chevêchette, le plus petit rapace nocturne européen. La flore n’est pas en reste avec 660 espèces végétales recensées dont 56 endémiques des Alpes.

Plus bas encore, la nature laisse plus de place aux constructions humaines. Alors que la voie romaine se fait plus apparente, on traverse un pont érigé à la même époque. La forêt s’épaissit encore avant de s’ouvrir sur Notre-Dame de la Gorge. Grâce à cette chapelle, le val a là son paradis. Ce lieu sacré est un des exemples de la richesse de l’architecture gothique dans cette partie de la Haute-Savoie. Sa décoration mérite qu’on pousse ses vastes portes. Bâtie en 1699, remaniée par la suite, cette chapelle blanche et pimpante attire de nombreux fidèles au culte marial. Chaque année, le pèlerinage du 15 août à la Gorge draine de nombreux processionnaires. L’esprit apaisé et le corps épuisé, on peut reprendre quelques forces aux Contamines-Montjoie en passant par la case de l’Ô à la bouche. Fabrice Boidard y prépare des mets de grande qualité dans une ambiance simple et conviviale. Mais on vient aussi chez lui pour ses qualités de salaisonnier. Formé aux techniques du fumoir, il travaille uniquement avec des viandes locales pour créer diots, saucissons, jambons et viandes séchées.

Après tant de délices, il sera peut-être difficile de profiter de l’énorme offre sportive des Contamines-Monjoie. Les VTT ne sont pas rares dans le coin. Ils investissent les routes, les voies qui leur sont dédiées comme les sentiers. A traction pédestre ou assisté électriquement, le vélo reste un des meilleurs moyens de découvrir la montagne tout en s’assurant une bonne dose d’adrénaline. Les cyclistes les plus raisonnables peuvent se contenter de petites excursions comme le circuit de la Gorge. En moins de dix kilomètres, il sillonne le patrimoine du village. Les plus téméraires essaieront la piste des Clarines où s’enchaînent les taliers, les sauts et les hoops ! Et si l’hiver vous manque trop, le village vous propose de vous élancer sur sa piste de skiroues. “Terre du biathlon, véritable institution au village, la commune est l’une des seules du département à être équipée d’un stade de biathlon homologué FFS qui permet désormais un entraînement quatre saisons”, s’enorgueillit le village. On prendra soin tout de même de déchausser avant de partir découvrir Saint-Gervais-les-Bains, une station toute proche. Comme sa voisine, cette commune dispose de son lot de beautés architecturales. On peut y visiter plusieurs églises baroques exceptionnelles dont celles de Saint-Nicolas-de-Véroce et de Saint-Gervais. Cette dernière, restaurée dans le cadre du projet européen Itineras dédié à la valorisation de l’art et de l’architecture sacrés, dispose aussi de sa touche contemporaine avec neufs vitraux signés de l’artiste Kim En Joong.

Après avoir assouvi la piété, calmons donc l’appétit. Dans le centre de Saint-Gervais, Le Sérac fait figure d’étape obligée. Ce restaurant étoilé -depuis 2014- dispense les mets du chef Olivier Bardoux. Élaborée avec des produits locaux, la cuisine est aussi fine que la carte des vins généreuse.Autre salle, autre ambiance avec La Ferme de Cupelin, située sur les hauteurs du village. Installé dans des bâtiments agricoles du XIXème siècle entièrement rénovée, cet hôtel-restaurant s’est vu récompensé par un BIB Gourmand dans la dernière édition du Guide Michelin. Là encore, le chef -Romain Desgranges- puise dans les richesses naturelles du pays pour offrir à chaque saison le meilleur des produits de la montagne.

Le regard toujours tourné vers le Mont-Blanc qui le domine, le village de Saint-Gervais demeure un point de départ idéal pour s’approcher du sommet géant. Pour l’appréhender dans toute son ampleur, on peut grimper jusqu’au sommet du Mont-Joly. Du haut de ses 2 525 mètres d’altitude, ce pic offre un panorama à 360° sur la chaîne du Mont-Blanc mais aussi les Aravis et le Beaufortain. On peut aussi rendre visite au plus haut sommet européen en empruntant le tramway du Mont-Blanc. Ce train à crémaillère -le plus haut de France- serpente sur les pentes des montagnes pour offrir au regard de tous de formidables vues sur les Aiguilles de Chamonix et les Dômes de Miage. Son terminus, le Nid d’Aigle, ouvre encore un peu plus les perspectives. On y découvre l’éblouissant glacier de Bionnassay et l’on peut même suivre du regard les alpinistes au départ de l’ascension du Mont-Blanc en se laissant transporter, comme eux, par la beauté saisissante de ces lieux.

Sébastien Dieulle