Le tour d’Yvoire, du minéral au végétal

Attirés par le Léman, on mène notre barque aujourd’hui jusqu’à Yvoire, village médiéval posé sur la rive gauche du lac. Derrière ses remparts séculaires, les fleurs s’épanouissent au cœur d’un bourg préservé, du Jardin des cinq sens et de son château.

A la frontière du petit et du grand lac, Yvoire se dresse au bord du Léman, côté français. Mieux vaut d’ailleurs débarquer sur place depuis les flots. En prenant le bateau de la Compagnie générale de navigation depuis Nyon, charmante cité suisse, on a le temps d’apprécier le panorama. On distingue d’abord l’impressionnant donjon quadrangulaire du château et ses remparts élevés là par la volonté d’Amédée V le Grand, Comte de Savoie au XIVème siècle. La place forte, hautement stratégique, restera longtemps la propriété de la maison de Savoie. En s’approchant, on découvre les maisons de pierre qui ont investi au fil des siècles les douces pentes de la petite cité. A leur pied, le port, des plus plaisants, abrite une armada d’embarcations prêtes à prendre le lac. Certaines prennent les visiteurs d’un jour à leur bord pour les emmener jusqu’aux ports et châteaux environnants de Chillon, Rolle et autres avec les cimes enneigés des Alpes suisses et savoyardes pour toile de fond.

De retour à terre, on remonte la rue du port pour pénétrer au cœur du bourg médiéval. Depuis le milieu du XXème siècle, Yvoire a délaissé la pêche pour le tourisme. Les visiteurs sont nombreux à déambuler dans les rues pavées de la ville à l’ombre de vénérables demeures. Loin d’être figée dans le temps, la commune déborde de vie. Les restaurants et boutiques cohabitent avec des maisons habités par des particuliers. Et tous prennent soin des lieux. Partout, les fleurs s’épanouissent. Géraniums, pétunias, bégonias et dahlias investissent les balcons branlants aux côtés des glycines et des bignonias. Yvoire a depuis longtemps grimpé tous les échelons du classement des Villes et Villages fleuris jusqu’à recevoir le Grand Prix National.

Cette passion pour les fleurs se retrouve également au sein du Jardin des Cinq sens, véritable bijou végétal au cœur du bourg médiéval. Classé jardin remarquable par le ministère de la Culture, il prend place dans l’ancien potager du château. On se promène d’abord dans une prairie alpine où fleurissent les clins d’œil aux montagnes proches avec les edelweiss, gentianes, saxifrages, chardons et autres. Puis vient le sous-bois et ses fougères variées, le tissage, lieu de rencontre entre l’homme et la nature où se mêlent le simple et le raffiné, l’avoine et la rose blanche. Plus loin, le cloître se joue des maux en abritant une collection de plantes médicinales.

Le lieu met tous nos sens en émoi. Dans le jardin du goût, on découvre les légumes, les petits fruits, les fleurs comestibles et autres curiosités potagères dans une architecture inspirée des échiquiers. Dans celui de l’odorat, les parfums rivalisent d’attraits, des effluves florales discrètes à celles des feuillages qu’on libère d’un geste délicat. Le jardin du toucher multiplie les textures, du duvet le plus doux aux ronces les plus impressionnantes. Celui de la vue mise sur les couleurs en offrant un “riche et délicat camaïeu de bleu clair à pourpre”. Enfin, l’ouïe est elle aussi sollicitée dans l’espace central du jardin avec le clapotis de l’eau du bain d’oiseaux.

En ressortant de ce jardin d’Eden, on aperçoit aussitôt le phare sacré du port d’Yvoire. L’église des lieux, consacrée à Saint Pancrace, martyr en son temps, a connu bien des déboires au fil de son histoire notamment lors de l’occupation bernoise et donc protestante du XVIème siècle. Mais elle a profité du passage de Saint François de Sales pour se refaire une beauté baroque. Inscrite à l’inventaire des sites et monuments historiques, elle se pare d’un clocher à bulbe, une fantaisie architecturale fréquente en Haute-Savoie qui donne encore un peu plus d’éclat à l’un des plus beaux villages de France.

Sébastien Dieulle / Jean-Paul Calvet

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