Rouen, la plus belle des mises en Seine

Philippe Delerm y va pour “pour boire des instants qui conjuguent au présent le charme transparent du séculaire”, les Normands pour monter à la “capitale” et tous les autres pour découvrir une ville pleine de vie et d’Histoire.

En quittant le Vexin normand pour aborder le dernier tronçon de son long voyage vers la mer, la Seine, puissante et majestueuse, serpente de boucles en méandres. C’est au sommet de l’un d’eux que Rouen s’épanouit dans un amphithéâtre de blanches collines coiffées de forêts. Comme Bordeaux sur la Gironde ou Nantes sur la Loire, Rouen est construite en fond d’estuaire, au premier point où nos ancêtres ont pu, grâce à la présence d’îles, édifier un pont sur le fleuve et où la marée est encore assez sensible pour que les navires de mer remontent jusque-là. Qu’on y arrive par la route, la voie ferrée ou le fleuve, Rouen en met plein la vue. Guy de Maupassant, dans Bel-Ami, s’en émouvait déjà quand il nous décrit une ville “un peu noyée dans la brume matinale, avec des éclats de soleil dans ses toits et ses mille clochers légers, pointus ou trapus, frêles et travaillés comme des bijoux géants, des tours carrées ou rondes coiffées de couronnes héraldiques, ses beffrois, ses clochetons, tout le peuple gothique des sommets d’église que dominait la flèche de la cathédrale”.

Cette flèche de 151 mètres s’accompagne de deux tours, dont une ne pourrait être plus normande puisqu’elle est “de Beurre” ! Ce trio élancé jaillit au-dessus du chaos des toits de la vieille ville. Mais bien qu’on la distingue de loin, la cathédrale sait se faire désirer. Il faut s’en approcher au plus près pour que, brusquement, au détour d’une rue, elle se dresse enfin, étonnante de légèreté malgré ses proportions grandioses, magnifique en dépit de la variété de ses styles. Mais là encore l’édifice parvient à conserver ses mystères. Serrée de près par les constructions avoisinantes, elle ne se dévoile jamais d’un seul coup d’œil. Sur le parvis, on se laisse emporter par la démesure de sa façade occidentale, hérissée de clochetons, de gables et de pinacles et décorée d’une profusion de statues. En contournant l’édifice par l’étroite rue Saint-Romain qui mène à l’imposante église Saint Maclou, on longe la muraille de l’archevêché qui fait face à de séculaires maisons à pans de bois. Depuis quelques années, l’Historial Jeanne d’Arc a pris place derrière cette muraille, juste après le portail des libraires et l’admirable Jugement dernier de son tympan où foisonne un fabuleux bestiaire peuplé des fantaisies les plus délirantes de l’imagination médiévale.

De retour sur le parvis de la cathédrale, on peut emprunter l’une des plus belles voies de Rouen : la rue du Gros Horloge. Là encore, les maisons à pans de bois, toutes occupés par des boutiques, plongent le visiteur dans une ambiance aussi animée que médiévale. Au milieu de cette artère piétonne, on passe sous le fameux Gros-Horloge, une belle arche en anse de panier dominée, sur chacune des surfaces par un cadran de plomb doré, richement ornementé de figures mythologiques, où tourne une aiguille unique terminée par un mouton d’argent.

En poursuivant son chemin, on débouche bientôt sur la place du Vieux-Marché. Largement impactée par les bombardements alliés de la Seconde Guerre Mondiale -comme beaucoup d’autres endroits à Rouen- la place a réussi à garder son charme historique tout en accueillant la surprenante église Sainte-Jeanne-d’Arc dans les années 1970. Son architecture audacieuse évoque à la fois un bateau viking et un poisson. Au milieu des ruines romantiques d’une église disparue, on découvre là l’emplacement du bûcher de Jeanne d’Arc. Pour se remettre de cette émotion, on peut se tourner vers La Couronne, la plus vieille auberge de France. Fondé en 1345 et ornée d’une façade à pan de bois datant de 1926, le restaurant sert une spécialité locale, le canard au sang, dont la préparation, qui se conclut devant le client, est aussi impressionnante que le résultat dans l’assiette.

Pour rejoindre la Seine, on passe par l’intime place de la pucelle où trône l’Hôtel de Bourgtheroulde. Bâti par un conseiller de l’Echiquier au début du XVIème siècle, symbole transition entre le style gothique et Renaissance, les lieux abritent aujourd’hui un hôtel-spa au charme indéniable. Sur les bords de Seine, les quais invitent à la détente. Entre le pont Guillaume le Conquérant et le pont Flaubert, le plus haut pont levant du monde, les promeneurs s’en donnent à cœur joie. Les anciens hangars rénovés abritent des restaurants, des bars, une salle de concert et même un ring de boxe. Dominant le paysage, le Panorama XXL propose de son côté une plongée, à 360°, au cœur de l’épave du Titanic à 3 800 mètres de profondeur.

Surnommée la “ville-musée”, Rouen n’en reste pas moins des plus vivantes. Apprécié des locaux comme des touristes, le centre-ville ne désemplit jamais. Ses marchés, celui de la Place du Vieux-Marché comme de la Place Saint-Marc, ont su garder un délicieux parfum d’authenticité. Les spécialités locales n’y manquent pas. On en retrouve les douces saveurs dans les nombreux restaurants de la ville dont trois étoilés : L’Odas, Rodolphe et Gill. Les raisons ne manquent pas pour venir découvrir la capitale normande, ne serait-ce que pour pouvoir dire, comme Hugo en son temps, “j’ai vu Rouen. Dis à Boulanger que j’ai vu Rouen. Il comprendra tout ce qu’il y a dans ce mot. J’ai vu tout, la chambre des comptes, l’Hôtel du Bourgtheroulde, le palais de justice, le Gros-Horloge, Saint-Ouen, Saint Maclou, les vitraux de Saint-Vincent, les fontaines, les vieilles maisons sculptées, et l’énorme cathédrale qui fait à tout moment au bout des rues de magnifiques apparitions. Je suis monté sur le clocher de la cathédrale et sur la tour de Saint-Ouen. La ville et le paysage, de là-haut, sont admirables”.

Sébastien Dieulle

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- Informations générales :

- Rouen Tourisme 

- Où dormir :

- hôtel de Bourgtheroulde

- hôtel littéraire Gustave Flaubert

- hôtel Mercure Rouen Centre

- Où manger :

- La Couronne

- Gill

- l’Odas

- La Brasserie des 2 rois

- In situ

- Gill côté bistrot

- Origine

- A voir :

- l’Historial Jeanne d’Arc

- le Musée des Beaux-Arts

- le Gros Horloge

- Incontournable, le magnifique « Son & Lumière » de la cathédrale – reprise juin 2020

- Guides :

- Un grand week-end à Rouen et ses environs / Ed. Hachette

- Rouen / guide Petit Futé

- Normandie, vallée de la Seine / guide Vert Michelin

- Haute Normandie et côte fleurie – Géoguide / Ed. Gallimard

- Normandie médiévale – guide du Routard / Ed. Hachette

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Conception reportage – pratique – photos Jean-Paul Calvet & Rouen Tourisme

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