Jersey, exil estival idéal

A une encablure de St-Malo, Jersey, réserve naturelle de charme britannique desservie par Condor Ferries, ne manque de rien pour un exil réussi : une campagne verdoyante, une mer pas trop chaude et de succulents restaurants.

Sans Napoléon III qui n’était pas et de loin son meilleur ami, Victor Hugo, n’aurait peut-être jamais connu les îles Anglo-Normandes. “Quoi ! Après Auguste, Augustule ! Quoi, parce que nous avons eu Napoléon le Grand, il faut que nous ayons Napoléon le Petit”. Cette petite phrase assassine marque le départ à l’été 1851 de sa petite échappée, qui durera près de vingt ans, l’entraînant d’abord à Jersey. L’île le séduit. “C’est le sauvage et le riant, mariés au beau milieu de la mer”. Tellement riant qu’il en profite pour écrire un pamphlet, Napoléon le Petit, et des poèmes satiriques, Châtiments. Après trois années passées sur ce petit bout de terre de 116 km², Hugo s’en va vers Guernesey, gentiment poussé dehors par le gouvernement anglais.

De ces trois années de cohabitation, l’île a gardé quelques souvenirs dont le célèbre “rocher des Proscrits” où le poète venait rencontrer d’autres réfugiés politiques français. La maison où il vécut existe toujours elle aussi. On l’a simplement transformé en hôtel. Inutile d’écrire un pamphlet sur un nouveau Napoléon le Petit pour se rendre à Jersey. Aujourd’hui, il y a plus simple pour s’exiler. Il suffit de rouler jusqu’à Saint-Malo et de prendre un ferry de la compagnie Condor. En partant du port malouin, la traversée dure à peine plus d’une heure. Et une fois accosté à Saint-Hélier, la capitale, l’île s’offre à vous.

Jersey ne manque pas de contraste. Des belles plages sauvages aux luxueux ports de plaisance, la côte réserve bien des surprises. Et certaines sont plus savoureuses que d’autres comme l’Oyster Box à St Brelade. Ce restaurant de poissons et fruits de mer vaut autant pour le contenu que le contenant. La salle offre une superbe vue panoramique sur la plage et, aux beaux jours, la terrasse vous permet de profiter des embruns tout en savourant les mets de la mer.

Les gourmands n’en resteront pas là. D’autres aventures culinaires les attendent sur l’île avec notamment Le Bohemia à St Hélier. Avec Steve Smith aux fourneaux, le restaurant se pare d’une étoile au Michelin. Et les commentaires du guide donne envie, avec raison, d’y réserver une table. “Ce restaurant à la façade en marbre accueille un bar-lounge chic, une élégante salle à manger garnie de banquettes en tissu et une table du chef. Sa cuisine classique teintée de notes modernes et joliment présentée utilise les meilleurs produits de l’île”. Et s’il fallait encore argumenter, notez que le chef propose un menu dégustation en sept plats aussi tentants que des péchés. Auto-proclamée “réserve naturelle de charme britannique”, Jersey ne se limite pas à sa capitale et à sa côte. L’intérieur des terres, qui n’est jamais très loin, abrite, en plus de jolis paysages, de superbes manoirs et autres cottages plein de charmes, mais aussi le formidable zoo, le Durrell Wildlife Conservation Trust, un sanctuaire qui abrite plus de 130 espèces menacées.

A pied ou en vélo, on découvre là une nature généreuse. Partout, des fleurs sauvages s’épanouissent. Les papillons, dont “la Reine d’Espagne”, en raffolent et en profitent pour déployer leurs ailes multicolores. Les oiseaux ne sont pas en reste. On ne compte pas moins de 280 espèces sur l’île, dont quelques espèces rares. De là à dire qu’à Jersey, on rencontre de drôles d’oiseaux…

Antoine Norman