Addition de plaisirs en Baie de Somme

La Baie de Somme dispose de quelques phoques en stock mais aussi d’un paysage époustouflant, de la pointe du Hourdel jusqu’au Crotoy en passant par Saint-Valéry-sur-Somme.

Je bée devant la baie. La Somme ne m’assomme pas, loin de là, elle me somme simplement de prendre le temps d’une pause à l’abri de sa baie. Je ne suis pas le seul à être venu jusqu’à ce “grand site de France”, cette baie triple A connue bien au-delà des frontières de l’Hexagone. D’ailleurs, à l’Hôtel des Tourelles où j’ai pris mes quartiers, l’ambiance est à l’international. Je croise des visiteurs venus d’ailleurs et même de partout qui tous se sont laissés attirer par le charme de cette vieille bâtisse rouge et blanche posée face à la mer. Il faut dire aussi que les deux tourelles qui ont donné son nom à l’établissement se voient de loin dans Le Crotoy.

Blotti entre ces deux vigies, sur l’une des deux terrasses du lieu, je prends un verre et le soleil. Le regard perdu sur la mer qui se retire à petites vagues de la baie, je me laisse surprendre par un Anglais qui se met à sauter sur sa chaise comme un cabri en criant “fuck, fuck, fuck”. Le Cambronne d’outre-Manche s’agite de plus en plus, tendant même un doigt vers la Manche au lieu de le garder dans sa poche. Mon petit doigt me conseille de ne pas regarder l’index mais plutôt ce qu’il désigne. Et là, je m’aperçois, rassuré, que notre Anglais n’a rien d’un impoli. L’homme désigne à qui veut les voir de paisibles phoques se dorant la fourrure sur quelques bancs de sable. Pas vache pour un sou, ni même un penny, il m’explique que ce sont des veaux de mer et que des colonies entières vivent là à l’année. On en compte plus de quatre cents, accompagnés par endroits par des phoques gris. Et de me préciser encore que l’un des meilleurs points d’observation se trouve à l’autre bout de la baie, à la Pointe du Hourdel.

Reconnaissant, je l’invite à se faire un rail avec moi. L’Anglais terre son enthousiasme avant de comprendre, car il a du nez, que je ne veux rien mettre dans le sien mais simplement grimper dans le train à vapeur qui relie Le Crotoy à Saint-Valéry-sur-Somme. Il pousse un ouf de soulagement tandis que la locomotive lâche la vapeur. La ligne suit les contours de la baie, entre champs et estrans. Le temps s’écoule autrement jusqu’à Saint-Valéry-sur-Somme, la cité d’où partit Guillaume le Conquérant dans l’espoir de s’asseoir sur le trône d’Angleterre. Au Moyen-Âge, la cité se fortifie, notamment pour résister au raz-de-marée de la Guerre de Cent ans, et garde encore aujourd’hui les traces de ce passé guerrier. Des siècles plus tard, face au port de plaisance, un Français et un Anglais ont déposé les armes pour lever leur verre dans une entente cordiale.

Après avoir déambulé dans les ruelles pavées de la vieille ville, nous sautons sur des vélos pour mettre le cap sur la Pointe du Hourdel. A marée basse, le lieu se transforme en paradis pour phoques. Curieux, passionnés, professionnels de la photo, les phocidés attirent une faune diverse. On les observe à la jumelle depuis les plages de galet sans jamais trop s’approcher, pour ne pas gêner ces espèces protégées.

La marée basse ne dure pas. Il faut faire vite. Nos vélos filent à nouveau sur les routes de bord de mer jusqu’à Saint-Valéry-sur-Somme. Là, on enfile les bottes pour rallier Le Crotoy en ligne droite. La promenade – 7 kilomètres – dure quelques heures. Les pieds dans le sable, les yeux dans le beau, on se laisse bercer par le clapotis de l’eau et le pépiement des oiseaux jusqu’à l’autre rive. Le soleil se couche déjà. Nous aussi.

Sébastien Dieulle

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